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Le journal Eskualduna (1887-1945) évoque cette fête à quelques rares reprises, sur la période 1904-1944.
Les articles évoquent, sous le terme Santibate, des réalités assez diverses. On peut y voir, selon les différents auteurs, une fête de carnaval populaire, mais aussi la quête des Bohémiens en cette période de cochonnailles, enfin une pratique considérée comme inconvenante, qui tend à disparaître au cours du siècle.
1. Une fête de carnaval
Article intitulé "Lecumberry". Eskualduna – 03 juin 1904.
Il semble ici que la quête de Santibate ait eu lieu la veille de cette fête ou cavalcade qui se tient probablement le dimanche avant mardi gras.
Cette chanson est analysée par Antton Luku dans Libertitzeaz, Pamiela 2014, pp. 203-204.
2. La quête des bohémiens
Article intitulé "Les Bohémiens d’Antchicharburu (feuilleton)" – Eskualdun Ona, 06 janvier 1905.
Il fait partie d’une série d’articles dépeignant le mode de vie des « bohémiens », notamment celle d’une communauté qui vivait dans le quartier d’Antxixarburu, dans la commune de Bussunaritz. Elle est signée « Orduan gazte » (s’agit-il de Jean Barbier?).
Dans ce numéro de janvier 1905, l’auteur raconte la quête de Santibate :
« Une fête encore, ou pour mieux dire, une quête (toutes les fêtes ne finissent-elles pas par là?), une quête, dis-je, qui a prescrit parmi nous en faveur des Bohémiens d’Antchicharburu, c’est ce qu’on est [tenu?] d’appeler leur Santibate. Au carnaval, un groupe de bohémiens, de bohémiennes surtout, plus ou moins bien attiffées, se réunit pour sillonner le pays dans tous les sens. Ce jour-là, il faut tout supporter d’eux, et c’est un peu comme dans les anciennes Saturnales : les maîtres de la rue, ce sont les Bohémiens. Et ils le savent bien, allez ; aussi, avec quelle intrépidité ils vous brandissent la broche enrubannée qui a déjà enfilé pas mal de tranches de jambon, et pas mal non plus de belles saucisses ! Avec un enthousiasme qui ne tombera qu’avec le jour, ils vous débitent incessamment leur chant de circonstance, que vous connaissez tous :
Santibatek, andere,
aurthen bezala, gero’re
Santibatek igortzen gaitu, xingar keta, gu ere ! »
Pour voir tout le chant, se reporter à l’article « Santibate, jaun-andere ».
3. L’évolution au cours du XXème siècle
Article intitulé "Arnéguy" – Eskualduna du 26 février 1904.
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« Laborariaren aspaldiko kantua da urte txarrak direla. Nahi bada zorrik egin gabe bizi, zernahi ikusi behar dela.
Eta bizkitartean, nehun balinbada zerbeit pesta, bada sos orduan burrustaka. Herri hortan Santibathe deitzen duten josteta bat egin dute ihauteriako igande batez. Arimako eta gorputzeko deus onik ez du josteta horrek..
Pesta ergel hori ez ote litake bazterrerat utzi behar bederen oraiko egun lazgarrietan. » -
« Les paysans se plaignent continuellement que les temps sont durs. Que parvenir à vivre sans s’endetter, c’est terriblement difficile.
Et pourtant, à la moindre fête où qu’elle soit, l’argent coule à flots. Dans ce village ils ont fait un jeu qu’ils appellent Santibate un dimanche du carnaval.
Ce jeu n’apporte rien de bon, ni au corps ni à l’âme.
Ne faudrait-il pas renoncer à cette fête inconséquente, au moins en ces temps difficiles. »
Le journal conservateur Eskualduna déplore des festivités qui lui semblent fort relâchées et donc immorales. Près de 35 ans plus tard, il déplore tout autant le bal masqué de Carnaval. On peut noter donc que, à la veille de la 1ère guerre mondiale, le traditionnel Santibate a laissé la place à d’autres formes de festivités, du moins à Saint-Palais.
Article intitulé "Santibate" - Eskualduna du 4 mars 1938.
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"Errazu, Pantxo, zer erran nahi du Santibate hizkuntza hunek ? Nun sortua da saindu hori ? Ihautiri guzian ez duzu bertze solasik...Juanden egunean, nere emaztearekin nahi ukan dut jakin, zer dioten hortaz etxean ditugun kalandrier zaharrek, eta nihuntik ez dut deus jakin ahal izan.
Ah ! dio orduan Pantxok, ageri duzue ez zaiztela Eskual-Herrian sortuak. Ez dakit, ez duzue harrapaturen. Berzenaz ere, Donaphaleun, ez dugu gehiago holakorik... « plus modernes » omen gira « bal masqué » horrekin...
Zer diozu ? Zer da hori ?
Oh ! Ez du aipatzea ere balio, zozokeria bat. Aurten izan naiz, ikusten ere begiz, hoinbertze aipu zuten gauza arraroa...Egin dut, ez naizela sekulan gehiago itzuliko, ene haurrik ere ez...Han ziren, guziak beren maskekin, nexkato, mutiko, gizon, emazte, guziak nahas-mahas...[...]."
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"Dites-donc, Pantxo, que signifie ce mot de Santibate ? Où est né ce saint ? On n’entend parler que de lui pendant Carnaval...L’autre jour avec ma femme, on a voulu savoir ce qu’en disent les vieux calendriers qu’on a à la maison, et on n’a rien pu trouver !
Ah ! Lui dit alors Pantxo, on voit bien que vous n’êtes pas nés au Pays basque. Je ne sais pas, vous n’allez pas le trouver. De toute façon, à Saint-Palais, nous n’avons plus ce genre de choses...On est « plus modernes » paraît-il, avec ce fameux « bal masqué »...
Que dites-vous ? Qu’est-ce que c’est ?
Oh ! Ca ne vaut pas la peine d’en parler, c’est une bêtise. Cette année, j’y suis allé, voir de mes yeux, cette chose si exceptionnelle dont on parle tant...Je me suis dit que je n’y retournerais jamais, ni mes enfants...Ils étaient tous là avec leurs masques, filles, gars, femmes, hommes, tout mélangés...[...]."
Si la tradition des fêtes de carnaval a bien changé au cours du XXe siècle, jusqu’à pratiquement disparaître, elle a repris de la vigneur depuis maintenant quelques années, à travers la Basse-Navarre.
A Saint-Jean Pied de Port, les jeunes fêtent Santibate : habillés en « zirtzil », ils parcourent les rues et les bars, puis se rassemblent pour partager le boudin de l’année (ou le jambon et les oeufs).
A cette fête plutôt nocturne et dépenaillée, qui se déroule au cœur de l’hiver, succède quelques semaines plus tard le « Libertimendua », spectacle donné au grand jour et qui montre danseurs, bertsulari et la traditionnelle pièce satirique.
Les villages de la vallée des Aldudes, Irissarry, Saint-Palais font également (re)vivre Santibate et libertimendua, les antiques fêtes du Carnaval.
Pour plus d'information :
Libertitzeaz, Antton Luku, Pamiela, 2014.
Site de l’Institut culturel basque