Euskarazko testua ikusi
Introduction
A la date où nous pouvons la saisir, la danse traditionnelle, en Pays basque comme en Béarn, a un public presque uniquement populaire, majoritairement rural. Les habitants des villages, avec les artisans, les ouvriers et petits employés de quelques gros bourgs, demeurent les derniers détenteurs d’un moyen d’expression qui en d’autres temps fut partagé par la société locale toute entière. Son abandon par les classes dirigeantes, amorcé dès la fin du XVIIIe siècle, paraît n’avoir été total que dans la seconde moitié du XIXe. Iztueta vieillissant en avait noté les premiers signes en Guipuzcoa, mais A. de Quatrefages, en 1854, parlant des provinces basques d’Espagne, pouvait encore écrire : « … aux réunions de chant, aux soirées dansantes des dimanches et des jours de fête, j’ai vu réunis des nobles titrés, des négociants, et jusqu’à des personnes qui, chez nous, seraient à peine au-dessus des artisans. Des marquis, des comtes, figuraient à la même contredanse avec des tailleurs ou marchands quincaillers, et ce rapprochement paraissait tout simple. »
Trente ans plus tard de Lagrèze faisait une constatation semblable à Saint-Palais (« J’ai vu les Basques et les Basquaises de toutes les classes danser ensemble… »). Observation confirmée, mais nuancée, par le témoignage d’une vieille habitante de la ville, interrogée en 1927 par F. Vogel : « Il n’y avait pas, en effet, que le vulgaire à fréquenter ces réunions dominicales, on y rencontrait aussi des gens du meilleur monde, non point en spectateurs amusés ou intéressés, mais en acteurs et dansant avec des personnes de leur rang social en un coin des Allées, qui leur était spécialement réservé… ». De son côté Ph. Tissié rapporte en 1900 ce propos désabusé d’un vieux Basque : « Hélas ! Tout s’en va ! La démarcation des classes s’affirme et s’accentue de jour en jour ! (…) les notables de nos villages ne dansent plus avec le peuple ; jadis ils tenaient à honneur d’ouvrir le bal, aujourd’hui c’est presque un déshonneur pour eux ! c’est une fin de race ! »
Témoignages précieux. Quiconque s’interroge sur l’origine et l’histoire de nos répertoires régionaux doit garder présent à l’esprit qu’ils n’ont pas toujours été le moyen d’expression des seuls milieux populaires, et particulièrement paysans, qui nous les ont conservés. Les conditions premières et le processus initial de leur genèse ont pu différer à beaucoup d’égards de ceux qu’il nous est possible de connaître par une enquête directe portant sur un passé proche, dérisoirement limité. (…)
Extrait de La tradition de danse en Béarn et Pays basque français, Jean-Michel Guilcher, éditions de la maison des sciences de l’Homme, 1984