Euskarazko testua ikusi
Les fêtes d’Espelette, 1819
[…] Je me trouvais un jour à Espelette, gros village du Pays de Labourt, à trois lieues de Bayonne, pendant le temps de la fête. La journée avait été des plus brillantes et des plus bruyantes. Aux cérémonies religieuses auxquelles les basques ne manquent pas d’apporter toute la pompe et le recueillement possibles, avaient succédé la danse, la paume, et tous les plaisirs d’usage. Les sauts basques et les contredanses avaient été suivis de la farandole qui ne se danse que dans les grandes occasions.
Une longue file de danseurs et de danseuses se tenant par le bout de leurs mouchoirs, avait parcouru les rues du village, précédée du chirola et du tambourin. Celui qui conduisait la file (le roi de la tête) et le dernier de tous (le roi de la queue) faisaient tous les frais de la danse ; de temps à autre le cortège s’arrêtait pour leur laisser le loisir de montrer leur savoir faire, et alors ils s’évertuaient à qui mieux mieux, à la grande satisfaction de tous les assistans, qui les admiraient dans le même recueillement silencieux avec lequel ils avaient assisté au service divin et écouté les chants d’improvisation. Leur danse ne brillait pas beaucoup par la grâce et le fini des pas, un mouvement perpétuel de jambes et de pieds faisait le fond de leur talent, qui certes devait bien peu de chose à l’art ; mais au moins ne pouvait-on leur refuser beaucoup de légèreté et une grande précision de mesure, qualités qui ne sont pas toujours celles de nos danseurs de salon.
La nuit avait mis fin à ces divertissemens ; […] et nous vîmes un groupe nombreux de jeunes gens au milieu desquels un individu chantait des stances qu’il paraissait adresser à un troupeau de jeunes filles, rassemblées sous cet espèce de vestibule extérieur que le paysan basque manque rarement de laisser au rez-de-chaussée de sa maison. La rue toute entière séparait les deux groupes, sans qu’aucun de ceux qui le composaient parut chercher à franchir cet intervalle et à se rapprocher.
Les jeunes filles reprenaient à la fin de chaque stance, et chantaient en chœur une sorte de refrain. Pendant ce temps le chanteur rappelant ses idées trouvait dans sa tête basque le sujet d’un autre couplet, auquel on répondait de la même manière. Combien je regrettai alors de ne pas comprendre assez la langue pour retenir quelqu’une de ces improvisations, car ces chants n’étaient pas plus préparés que ceux qui avaient été inspirés par la gaîté du repas. Je voulus en vain me procurer après coup de ces paroles. Les auteurs eux-mêmes les ont oubliées avant qu’ils aient cessé de chanter, et celles qu’ils pourraient vous donner ne seraient déjà plus les mêmes […]
Extrait de Souvenir du Pays Basque et des Pyrénées en 1819 et 1820, par Etienne Boucher de Crèvecoeur, 1823