Etien Salaberri (1903-1981) est un témoin sans pareil du XXe siècle et de ses turbulences. Il connaît une vie bien remplie, depuis son enfance dans la ferme Garra d’Hélette, une longue carrière d’enseignant, 5 années de captivité en Allemagne, une œuvre très dense d’essayiste et de chroniqueur.
L'homme étonne par la modernité de ses idées. Philosophe de formation, c’est un prêtre ouvert aux idées sociales de son temps et à une Europe des nations garante de la paix, favorable à l’émancipation politique du Pays basque.
Nous vous proposons ici une série d’articles pour découvrir une figure intellectuelle du Pays basque, malheureusement quelque peu oubliée aujourd’hui.
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Une fois devenu prêtre, il pratique avec bonheur l’enseignement, dans le collège d’Ustaritz où de nouvelles pédagogies sont expérimentées. Il ne voit pas arriver la guerre, comme beaucoup de ses contemporains. Il s’engage dans l’armée le 3 septembre 1939, comme sous-officier, mais comme il tient à le préciser, il n’est pas volontaire, mais soldat par devoir. Il est cantonné un certain temps dans la ville de Tarbes. Lorsque le nord de la France est envahi, il se trouve près de Montargis, et c’est là qu’il est capturé par des soldats allemands en juin 1940. Les prisonniers sont emmenés dans des wagons à bestiaux jusqu’au camp dénommé Stalag IV, dans l’est de l’Allemagne, dans l’actuel land de Brandebourg. Le camp compte des milliers de prisonniers français, mais aussi russes, anglais, hollandais, yougoslaves, italiens, américains… Salaberri subira la faim, jusqu’à connaître l’extrême maigreur, la saleté, les poux, la peur du typhus meurtrier. Mais cette terrible condition connaît certains soulagements : un petit groupe de basques s’est constitué, qui partage la nourriture et les produits nécessaires avec une touchante solidarité. Peu à peu, la vie dans le camp s’organise. Les prêtres disent des messes. Les prisonniers qui s’intéressent aux choses de l’esprit - les intellectuels, en somme - se rassemblent pour échanger, débattre.
En janvier 1941, un nouveau dirigeant du camp plus clément autorise la création d’une “université”. Elle eut un premier recteur éminent, en la personne de Louis Viaud, neveu de Pierre Loti. A sa suite, c’est Etien qui sera nommé à ce poste considéré. L’Université perdure jusqu’en avril 1945, quand les Russes libèrent enfin le camp.
Il ne fait pas de doute qu’Etien tira d’immenses enseignements de cette période de captivité. D’avoir ainsi vécu les épisodes houleux de la guerre, côtoyé des individus de nationalités, origines, religions et idéologies si diverses le conduisirent à revoir totalement sa vision des hommes et du monde. Une révolution copernicienne, selon ses dires. Il réalise en particulier que la guerre ne peut pas être imputée à un État, ou à un peuple. “J’ai appris que les semeurs de haine se retrouvent partout”. Contre la guerre, une seule planche de salut : l’Europe des peuples, qu’Etien voit chrétienne.
Articles connexes
Etien Salaberri, un prêtre philosophe dans la tourmente du XXe siècle #1 : L’enfant d’Hélette
Etien Salaberri, un prêtre philosophe dans la tourmente du XXe siècle #3 : Après l'euskaltzale, l'abertzale
Sources :
Etienne Salaberri (1903-1981). Piarres Ainziart. Bidegileak bilduma. Eusko Jaurlaritzaren argitalpen zerbotzu nagusia. 2003.
Ene sinestea. Iragan biziari gibeletik beha. Etienne Salaberry. E. Itxaropena, 1978.